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Chantier en retard, prix en hausse : la pénurie de matériaux ne touche pas que l’immobilier résidentiel

La crise sanitaire que nous vivons depuis 2020 n’a pas fini de se répercuter sur le marché de la construction. La pénurie des matières premières qu’elle a déclenchée est encore loin d’être terminée. Pire encore, dans un secteur qui a connu une reprise sans précédent, elle fait monter les prix et met les chantiers en retard. Premières victimes de cette pénurie : les promoteurs qui doivent trouver des solutions pour faire face aux problèmes qui s’accumulent. Mais l’immobilier résidentiel n’est pas le seul à en pâtir, l’immobilier tertiaire aussi doit composer avec les conséquences de la crise.

Mars 2020. Paralysée par un virus venu d’Asie, la France s’arrête de tourner. Les habitants sont invités à rester chez eux jour et nuit et, face à cette situation extraordinaire, de nombreux secteurs, dont celui de la construction, s’arrêtent net. Si les chantiers peuvent reprendre quelques mois plus tard, le mal est fait. Les promoteurs sont en retard, les matériaux aussi. C’est le début d’une pénurie des matières premières qui ne semble pas vouloir s’arrêter.

Immobilier : le marché de la construction toujours à la peine

Depuis près de deux ans maintenant, la pénurie des matières premières ne trouve pas d’issue et pénalise lourdement le marché de la construction. Cette pénurie n’est pas seulement la conséquence immédiate de la pandémie du Covid mais également celle des plans de relance de l’activité économique sur les continents américain et asiatique. Ces plans qui absorbent beaucoup de matériaux entraînent des augmentations de prix des produits de construction et d’importants retards d’approvisionnement des chantiers. En effet, même si les chantiers sont locaux, ils s’inscrivent dans des économies globales totalement mondialisées interdépendantes de continent à continent. Laine de verre pour l’isolation, acier pour armer le béton et pour la quincaillerie, cuivre pour les réseaux électriques, plastique pour les canalisations, aluminium pour les huisseries… Tous les matériaux qui sont concernés. En un an, la tonne d’aluminium est passée de 1.500 à 3.400 dollars, celle de cuivre de 8.900 à 10.200 dollars, celle de charbon de 68 à 290 dollars. Bref, les prix atteignent des records historiques, bien au-dessus de ce qu’ils étaient en 2019, avant la crise. De quoi entraîner une sérieuse flambée des coûts de construction (on estime que les matériaux représentent environ 40% du coût global du chantier) mais également des coûts liés au chantier. La location du matériel, comme les cantonnements de chantier ou les grues, est elle aussi sous tension et entraîne des coûts supplémentaires. Arrêtés pendant plusieurs mois, les chantiers ont repris de plus belle, à tel point que l’acheminement du peu de matière première disponible est lui aussi devenu un casse-tête. Les conteneurs eux-mêmes sont insuffisants pour faire face à la relance, ce qui entraîne là aussi une explosion. Le prix du fret a ainsi augmenté de 400% ! La construction, mais pas seulement. La rénovation de logements, ces passoires thermiques au cœur de l’actualité, mobilise également le peu de ressources disponibles. Ajoutons à cela le contexte géopolitique. D’une part le conflit entre États-Unis et Canada, qui a poussé les premiers à s’approvisionner en bois auprès de l’Europe de l’Est, faisant encore monter les prix et baisser la disponibilité. Mais aussi évidemment la guerre en Ukraine, qui a ajouté à tout cela une énorme instabilité sur les différents marchés, augmentant notamment la volatilité des prix de l’énergie. D’ailleurs, la flambée des prix de l’énergie n’aide pas. Le prix du gaz naturel européen a ainsi été multiplié par cinq. Conséquences : certains matériaux, extrêmement énergivores, comme le ciment, voient leur tarif impacté et font grimper la facture finale.

Immobilier : face à la pénurie, des prix en hausse

Face à cette situation, les promoteurs n’ont plus qu’une priorité : maîtriser les coûts à tout prix. Ou presque. Les plus optimistes d’entre eux trouveront plusieurs solutions à ce problème de surcoût : augmenter les prix à l’achat pour les clients, utiliser la clause de révision du prix de vente pour les VEFA, porter ces surcoûts sur les loyers, ou encore ralentir les chantiers et faire le dos rond jusqu’à la fin de la crise. Dans les faits, chacune de ces solutions a au moins une conséquence. Le ralentissement des chantiers obligera à verser des pénalités de retard aux clients. Augmenter les prix pourrait fortement entacher la relation commerciale qu’ils ont eu tant de mal à construire. Pourtant, il semble qu’il s’agisse de la meilleure solution : en effet un décalage des prix peut se produire entre la signature des contrats et la livraison, période pouvant durer jusqu’à deux ans. Augmenter les prix permettrait donc d’anticiper ce processus.

Quel que soit la solution choisie, cette hausse est devenue trop importante pour ne pas avoir de répercussions. À la fin de l’année 2021, on estime ainsi que le surcoût lié à la pénurie de matières premières était de l’ordre de 5 à 8 %. Reste alors deux réponses : proposer des lots plus petits pour les mêmes budgets afin de trouver malgré tout de quoi vendre au client ou rogner sur leur marge. Là encore, personne ne semble pouvoir sortir gagnant de cette situation, qui pourrait faire de l’immobilier neuf l’un des grands perdants de la crise des matériaux.

Immobilier : le logement n’est pas le seul à faire les frais de la pénurie

D’ailleurs, les promoteurs de l’immobilier résidentiel ne sont pas les seules victimes de cette pénurie de matières premières. Cette crise a en effet également des répercussions sur les prix de la construction des parcs tertiaires. Selon la fédération française du bâtiment (FFB), la hausse des prix du plastique, du PVC, de l’acier ou du cuivre est de l’ordre de 30 à 50%. De quoi induire une hausse directe des prix à la vente de certaines classes d’actifs. Preuve en est, en trois ans, le prix des locaux d’activités industrielles est passé de 900€ du mètre carré à 1.150€ du mètre carré. La pénurie des matières premières n’est d’ailleurs pas le seul facteur à influer et faire grimper les prix du tertiaire. Il ne faudrait pas oublier non plus le prix du foncier, en constante augmentation, sa rareté, surtout dans les grandes métropoles et leurs alentours, l’offre, toujours en retard sur la demande, ou encore le développement de la demande des petites surfaces. Le marché tertiaire aussi va devoir faire face à une hausse des rénovations du parc existant. L’entrée en vigueur du décret Éco-énergie tertiaire, qui fixe une diminution graduelle de la consommation d’énergie finale des bâtiments tertiaires d’ici à 2050, va accélérer le besoin de matériaux, notamment isolants, pour enclencher les travaux des parcs privés et publics. La solution pourrait venir de la portance de cette hausse sur les loyers commerciaux. Après tout, ils peuvent être fixés librement, dans la limite de l’encadrement prévu par la loi. Mais attention aux éventuelles disparités, d’autant plus que l’indice du coût de la construction (ICC) ne peut plus être utilisé à des fins d’indexation des baux commerciaux.

Immobilier : quel avenir pour la construction ?

À l’heure actuelle, le cours des matières premières n’a semble-t-il pas l’intention de baisser. Les prix de la construction, quant à eux, vont également rester haut. La crise étant mondiale, il reste toutefois difficile d’avoir des perspectives définies que ce soit à court, moyen ou long terme. Une chose est sure : les professionnels de la construction sont inquiets de la situation, dont les risques sont eux, tout à fait clairs : baisse de rentabilité des chantiers ou encore pénalités de retard coûteuses. Plusieurs solutions ont déjà été proposées. La FFB a ainsi sollicité un gel des pénalités de retard lorsque ce dernier est lié à la pénurie de matériaux de construction et que l’entreprise n’est donc pas fautive. Une solution qui avait déjà été adoptée en 2020 alors que le pays était confiné. Certaines entreprises ont également tenté de trouver des solutions, comme donner une deuxième vie aux matériaux de construction grâce à leur réutilisation dans l’économie circulaire. Une réponse concrète qui connaît son petit succès et qui sera sans aucun doute amenée à prendre de l’ampleur dans l’avenir. Du côté de l’immobilier résidentiel, il semble que la solution puisse venir de la régularisation des prix, qui n’est toutefois possible que dans le cadre de la vente de logements en Vente en l’état futur d’achèvement (VEFA).

Du côté de l’immobilier tertiaire, il ne peut pas en être de même. En effet, la construction des programmes tertiaires, comme les centres commerciaux ou les Retail Parks, débute souvent en blanc, c’est-à-dire sans propriétaire ou locataire. Il va donc falloir trouver des solutions pour avancer des sommes toujours plus importantes. Enfin, il ne faut pas oublier l’entrée en vigueur de la Réglementation environnementale 2020 (RE2020) qui va obliger les promoteurs, qu’ils construisent des logements, des bureaux ou des locaux d’activités, à livrer des bâtiments aux dernières normes environnementales, soit avec des matériaux renouvelables et durables. Ainsi, la mise en application de la RE2020 devrait entraîner des surcoûts aux alentours de 3,5%. La future Rep, qui entrera en application en 2023, entraînera, elle, une hausse de 5% de la facture. Non négligeable, et surtout non sans conséquences.

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